Une petite page pour le village d'Heyre, où j'ai retapé une ruine, et où je passe beaucoup de mon temps libre.
Ce village est situé dans la commune de Prads Haute Bléone, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Digne.

Il est posé à 1250 m d'altitude sur un balcon à 500 m au dessus de la Bléone, sur la pente du Carton (2100 m).

Le village se termine par une falaise au dessus de la vallée; au bord de la falaise se trouve une petite selle avec la chapelle et un ressaut rocheux portant une croix marquée par la foudre. De cette croix, vous êtes saisi du son du torrent (la Bléone) qui monte comme un "Om mani padme oum" continu (je ne suis pas bouddhiste, mais c'est ce que je ressens en ce lieu).

heyre et le cheval blanc

Au loin vers l'ouest, les crêtes successivement plus claires mènent le regard vers la montagne de Lure. Au sud, les crêtes du Cheval Blanc et ses couloirs escarpés restent enneigés jusqu'en juin. Ses reliefs rudes et celui du Carton sont adoucis par le mamelon de La Colle et par la montagne de Boules (2300m) où se trouve le champ d'Edelweiss le plus dense des Alpes. Au nord, le massif de l'Estrop et des Trois Evéchés mérite bien le surnom de "toit du monde de la Haute Provence" inventé par Alexandra David Neel et repris par Pierre Magnan ("L'Estrop et le Cheval Blanc, mes orients"). Un site fort donc, chargé d'énergie, lieu de ressourcement sans pareil.

Il y a un siècle, ce village était surpeuplé. D'anciens habitants nous ont raconté qu'il était interdit aux enfants de sortir du village, afin de ne pas piétiner les cultures d'orge et de pommes de terre. Lorsqu'on voit le terrain caillouteux aujourd'hui, on imagine la vie très rude d'alors, que je compare à celle des montagnards népalais d'aujourd'hui.

La guerre de 14-18 a vidé le village de tous ses hommes. ceux qui ne sont pas morts au front avaient goûté à la vallée, ils ne sont jamais revenus, sauf pour tenir un maquis caché sous un clapier, pendant la seconde guerre mondiale. Peu à peu, le reste des habitants est parti, car le village n'était accessible qu'à pied, en une demi-heure de forte grimpette depuis Blégiers. Tout à fait pour les raisons que chantait Jean Ferrat, dans "La Montagne": "Ils quittent un à un le pays, pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés...". Les derniers sont partis peu après 1950; j'ai une photo du village à cette époque.

Pour éviter la ruine complète du village, les anciens (familles Lantelme, Arnaud, ...) ont, bien qu'ils y tenaient, revendu la plupart des maisons à d'autres personnes, dont je fais partie. Une piste de 6 km a été construite depuis Prads. L'électricité, le téléphone ont été amenés, une adduction d'eau réalisée.

Depuis, Heyre redevient, le temps des vacances ou de week-ends prolongés, un vrai village, étape sur le sentier de randonnée "Le tour du Carton". La fontaine a été retapée. J'y élève quelques ruches. Un berger s'y arrête au printemps et à l'automne. Un semblant de vie qui ne réparera pas l'outrage de la civilisation urbaine, miroir aux alouettes des années glorieuses.

Voilà. Pour en savoir plus, il faut venir sur place, nos portes sont ouvertes, nous pouvons héberger du monde. A bientôt donc, demain à Heyre.
La suite...