Mon humble avis sur " Le parme convient à Laviolette ", roman de Pierre Magnan, paru aux éditions Denoël :

TUBER MELANOSPORUM

Je connaissais à Pierre Magnan un amour immodéré pour la Haute Provence et un talent romanesque utilisant le genre policier pour narrer la vie d'êtres ballottés par leurs passions et le hasard. Le voilà dans un autre type d'exercice, le roman noir. Et quand je dis noir, c'est noir, à broyer à la meule de pressoir à olives... Un livre mélancolique, nostalgique, difficile, qui questionne et apporte peu de réponses.

Certes, voilà quelques jolis meurtres, bien habillés, à sa façon. C'est déjà étonnant que le Commissaire Laviolette ne parte pas au quart de tour, qu'il faille l'appâter pour le convaincre de se lancer dans une (dernière?) aventure.

Le style est toujours aussi alerte, le verbe inventif, la syntaxe parfaite et subjonctive. L'intrigue est bien tissée, prenante, avec des détails et des anecdotes corsées. Le lecteur découvre pourtant assez vite que le(s) auteur(s) des crimes ne peuvent être que de vieilles connaissances, que le commissaire va repasser en divers lieux forts déjà visités dans d'autres enquêtes. Voyage mélancolique mais beau, c'est ce qui le rend supportable.

Qu'il ne se remette pas d'un amour, je le pensais moins constant, mais l'auteur est sensible, il a du cœur. Très bien. Pourtant, l'objet de cette fortune perdue, est-ce seulement une femme ou dois-je y voir la Provence -évoquée par la carte constellée de taches rouges-, l'écriture, le goût de vivre?

Mais que Laviolette ne puisse plus goûter les saveurs du terroir, plus communier à la musique, plus s'enthousiasmer? Qu'il aspire à la mort, en demandant qu'on la lui offre, non sans avoir, selon les points de vue, fait justice ou joué un tour de cochon à un vieil ami? Que sous l'emprise de la maladie, il se décourage de tout et appelle la fin, voilà qui est proprement démoralisant. Sachant que nombre de romans de Pierre Magnan comportent une part d'autobiographie, je souhaite qu'il ne se soit laissé aller qu'à un accès de bile noire, peut-être pour faire réagir le lecteur?

L'esprit n'est-il pas une question d'âme, non d'années? Est-ce que je ne vais pas chercher la jeunesse d'esprit, jusqu'au bout? Est-ce que lui-même, visiblement, ne le fait pas? A ce jour il porte beau ses 78 printemps et paraît bon vivant, espérons de vieux jours toujours sereins pour lui, qu'il sache goûter la vie jusqu'au dernier souffle, avec pour nous quelques joyaux, quelques truffes noires, en prime...