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Le modèle de croissance du pin blanc est généralement mal assimilé
par la plupart des forestiers, surtout que ce modèle évolue avec
l'accélération de la croissance du pin d'Alep (1).
Comme la croissance du pin blanc, essence pionnière, est fortement conditionnée par la quantité de sol prospectée, des arbres voisins peuvent connaître une croissance allant du simple au quadruple, voire plus. Aussi des peuplements équiennes (formés d'arbres de même âge) apparaissent comme des peuplements irréguliers, pied à pied ou par parquet, ce qui amène à une confusion fréquente: la futaie régulière de pin blanc, issue d'une régénération après incendie, est beaucoup plus fréquente qu'on ne croit, avec souvent des peuplements équiennes sur plusieurs centaines d'hectares.
La seconde erreur commune consiste à se laisser influencer par l'aspect du sol (roches affleurantes par exemple), pour conclure hâtivement à une classe de fertilité faible. Or le pin blanc se comporte parfois mieux sur des sols squelettiques mais fissurés que sur certains sols profonds.
Enfin, la mesure de la hauteur est souvent faite "au jugé", d'où une troisième source d'erreur.
La seule manière d'éviter ces écueils consiste à mesurer précisément âge et hauteur des arbres, en choisissant après lecture de photos aériennes et visite de terrain des placettes représentatives d'un are.
L'âge sera mesuré à la tarrière Pressler, en faisant attention de tenir compte du décalage éventuel avec le coeur réel de l'arbre et le centre apparent sur la carotte prélevée (d'une manière générale, ajouter 3 ans à l'âge lu sur la carotte en comptant les cernes).
Diverses méthodes permettent de mesurer avec une précision suffisante (1m) la hauteur dominante d'un peuplement (= la hauteur des arbres qui dominent les autres, ce n'est pas la hauteur moyenne qui compte puisque les arbres dominés seront éliminés par éclaircie). Elles sont détaillées dans les bons manuels forestiers.
Ces chiffres en main, on peut ensuite se reporter aux courbes de croissance suivantes: |

Les courbes sont obtenues par la formule: Hdom=0.30+2.0005*(h50-0.30)*puissance(1-exp(-0.3662*puissance(age;0.4110));5.080)
L'indice de fertilité se lit à l'âge de 50 ans.
* Si les données du peuplement hauteur/âge renvoient à un point situé sous la 4ème courbe en partant du bas (h50:10m), le peuplement se trouve en classe de fertilité faible, avec un accroissement moyen maximum de 1m3/ha/an (volume tige bois fort). |
* Si elles renvoient entre la 4ème et la 6ème courbe en partant du bas (h50:10 à 14m), le peuplement se trouve en classe de fertilité moyenne, avec un accroissement moyen maximum de 3m3/ha/an. |
* Si elles renvoient à un point situé au dessus de la 6ème
courbe en partant du bas (h50:14m), le peuplement se trouve en classe
de fertilité bonne, avec un accroissement moyen maximum de
6m3/ha/an.
Il convient de considérer la fertilité comme évolutive, en raison d'une
tendance à l'accélération de la croissance du pin d'Alep (1).
Les peuplements de pin blanc âgés de 70 ans ont gagné plus de 4m en 100 ans. Aussi bien
les vieux arbres que les jeunes montrent une croissance plus rapide que prévu selon les modèles de croissance
jusque là considérés comme fiables.
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Typologie des peuplements
Quel que soit son âge, la futaie de pin blanc est constituée par une seule classe d'âges, voire deux ou trois, rarement plus.
Traitement en futaie
Le pin blanc, essence de lumière, sera traité en futaie régulière.
Ce traitement, rendant économiquement possible les éclaircies (volume de la coupe et prélèvement à l'hectare suffisants, homogénéité des produits), sera adopté de préférence.
Dans les séries de protection, paysagère ou d'accueil du public, dans le cas où des motifs spécifiques le justifierait, la futaie par parquets de 0,5 à 2 hectares pourrait être préférée.
Traitement en futaie sur taillis
Le maintien d'une futaie de pin blanc sur taillis de chêne vert ou pubescent est difficile en raison de l'impossibilité de régénérer le pin à l'ombre du chêne.
La transformation en taillis simple sera en général préférée, en tant qu'étape dans la remontée biologique du milieu.
Dans les cas où, pour des raisons paysagères notamment, le maintien des pins serait souhaité par le propriétaire, il est conseillé:
- de vérifier si le terrain est suffisamment favorable au pin (densité initiale>50 pins/ha, chênaie principalement constituée de chêne vert et non de pubescent,
exposition chaude, absence de colluvions importantes, sol pierreux et peu profond),
- de régénérer les peuplements assez tôt pour que les pins portent encore des graines fertiles en nombre suffisant,
- de laisser passer un été entre la coupe de taillis de chênes et la coupe des pins semenciers.
Futaie sur taillis
Voir chapitre précédent.
La fructification du pin blanc reste régulière de 15 à 70 ans, et baisse fortement ensuite. La régénération naturelle ne pourra donc être réalisée qu'avant 70 à 80 ans en général.
Les cônes restent sur l'arbre et s'ouvrent à la chaleur (3ème année sur l'arbre ou passage du feu). Le ramassage des cônes dans les peuplements classés (St Etienne du Grès, Gémenos) se fait en mars.
Les semis ont besoin de lumière, le couvert leur est défavorable. Toutefois, un léger abri pendant 2 à 3 ans protège les plantules.
La régénération étant difficile dans les pelouses à brachypode rameux et dans le chêne kermès, le sol peut être préparé utilement par crochetage (cover-crop) ou brûlage dirigé.
Une coupe rase unique est suffisante pour assurer la régénération; il ne faudra pas hésiter à supprimer toute régénération préexistante de plus de 5 ans, si on veut obtenir la forte croissance juvénile souhaitée. Eviter le double passage en coupe, défavorable économiquement, paysagèrement et sylvicolement (dégâts lors du second passage).
Toutes les expérimentations montrent que les houppiers et rémanents démontés et éparpillés sur le parterre de la coupe sans broyage favorisent la régénération, même après incendie.
Régénération naturelle après incendie
La régénération du pin blanc après incendie dépend:
- de la présence ou non de semenciers, qu'il faudra maintenir tant qu'ils ne sont pas complètement morts, même s'ils sont partiellement brûlés,
- du passage du feu avant la chute des graines, qui selon la météo de l'année peut se produire de juillet à septembre.
L'installation de la régénération pourra être évaluée à la fin du printemps suivant.
Régénération artificielle
A n'envisager qu'en cas d'ensemencement naturel insuffisant (moins de 10 semis à l'are)
Il est impératif de n'utiliser que des plants en conteneur 1.0 de provenances françaises, issues de peuplements classés, pour:
- éviter les provenances gélives,
- améliorer la qualité des bois (rectitude, branchaison),
- éviter les hybridations avec le pin brutia.
Un bon travail du sol est indispensable; au sous-solage ou à l'ouverture de potets de 80 cm d'arête à la pelle hydraulique ou à la pelle-araignée, on associera un passage de broyeur à cailloux pour favoriser l'entretien ultérieur.
La plantation se fera préférentiellement à l'automne, à une densité de 800 à 1000 plants/ha.
Objectifs: |
- prévenir l'incendie
- favoriser la remontée biologique
- rendre la forêt accueillante
- produire à 80 ans des arbres de diamètre suffisant (35 cm),
après des éclaircies commercialisables.
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Pour cette essence de lumière, les coupes seront peu nombreuses dans le temps mais très "dynamiques", notamment les coupes de régénération.
Dans les jeunes régénérations (naturelles ou par plantations) un premier dégagement
permettra de sortir les pins de la broussaille.
Les perchis très denses (jusqu'à 12 000 tiges/ha) seront dépressés en priorité car ils
constituent les peuplements les plus inflammables, quoique encore moins inflammables que la
broussaille;
de plus le dépressage constitue l'opération sylvicole de base au cours de laquelle est
menée la principale sélection des tiges. La norme sera le travail en plein, avec cloisonnement
préalable et mise à distance de 3 mètres en tous sens, accompagné d'un élagage.
En raison de la densité excessive des jeunes futaies, et donc de la forte biomasse combustible,
des premières éclaircies, éventuellement de rattrapage si aucun dépressage n'a eu lieu,
sont nécessaires dans de nombreux peuplements.
Sur l'ensemble du département est constaté un vieillissement des futaies de pins d'Alep,
il importe de régénérer les peuplements âgés, tant qu'ils portent des graines,
de manière à renouveler le capital forestier, à éviter les maladies pouvant provoquer
la mort des arbres sur pied ou le dépérissement. De plus, les arbres ou branches morts
favorisent l'incendie.
Toutefois, le pin d'Alep est assez longévif (150 à 180 ans) et sa croissance reste
soutenue au-delà de 130 ans (1).
(1) Michel VENNETIER, Christian RIPERT, Fabien BROCHIERO et
Olivier CHANDIOUX, du CEMAGREF (division Agriculture et Forêt
Méditerrannéenne basée au Tholonet), étude intitulée 'Evolution à court
et long terme de la croissance du pin d'Alep en Provence -
conséquences sur la production de bois', publiée dans la revue
'Forêt Méditerranéenne', n°XX-4 de décembre 1999.
(2) 'GUIDE TECHNIQUE DU FORESTIER MEDITERRANEEN FRANCAIS' édité par le CEMAGREF en 1987.
(3) 'SYLVICULTURE DU PIN BLANC', STIR ONF, 1993
(4) 'LES PEUPLEMENTS MIXTES DE PIN D'ALEP ET CHENES EN PROVENCE, Comment pérenniser le mélange des essences?', Mémoire de Guillaume D'HANENS pour le compte du CRPF, 1998
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